AVANT PROPOS
Parler du Paysage n'est guère chose facile.
Parce le mot "paysage" lui même est une notion abstraite
où s'entrechoquent toutes les "dimensions" du monde
: l'espace, le temps, la société, et donc l'individu
et tout son univers mental.
Parce que c'est peut-être ce que nous avons de plus intime ;
chacun a son paysage, sa façon d'aborder le monde... . Mais
au-delà de l'aspect sensible, le paysage est bien une réalité.
Une réalité matérielle, physique, géographique,
bien présente ; ainsi, tout discours sur le paysage est un
travail d'équilibriste où il faut garder la mesure de
ce que le paysage offre d'objectivité sans pour autant renier
tout regard sensible voire même affectif. Difficile d'éviter
les imperfections, les caricatures, difficile de ne pas magnifier
ou au contraire de ne pas trop critiquer.
Difficile de parler de paysage, surtout en ce qui concerne le Gers,
où tout semble homogène, alors que tout y est si subtilement
différencié, nuancé, surtout lorsqu'on évoque
une terre gasconne, si souvent flattée et imaginée que
l'on croit connaître parce que réputée, alors
qu'elle est finalement si secrète, voire méconnue.
L'idée de se pencher sur les Paysages du Gers remonte à
une dizaine d'années. Quelques travaux universitaires, quelques
études localisées, quelques rencontres, débats,
discussions, ..., ont mis en évidence la nécessité
de mener une réflexion de fond sur le paysage en Gascogne et
dans le Gers.
Au début de l'année 2000, dans le cadre d'un programme
national d'inventaire des paysages, un travail de longue haleine a
été confié au Conseil en Architecture Urbanisme
et Environnement du Gers (CAUE 32) et à Arbre et Paysage 32,
pour lesquels le paysage est une préoccupation quotidienne,
et qui souhaitaient valoriser et partager leur connaissance du territoire
et du paysage gersois.
Comment parler des paysages du Gers sans évoquer ce qui en
fonde l'identité, ce qui en constitue la "substance"
commune à l'ensemble du territoire ?.. . sans approcher les
différentes étendues, pays ou contrées que la
nature et les hommes ont dessinés à la surface de cette
terre, offrant de multiples variantes à l'intérieur
même de la Gascogne et du Gers ?
Et comment ne pas en présenter les "composantes, les ingrédients
essentiels", ces différents lieux et patrimoines qui parsèment
tout le territoire, comment ne pas les raconter, en évoquer
les divers aspects pratiques et les enjeux "techniques"
?
Voici comment nous avons essayé d'organiser notre découverte
du Gers au travers de ses paysages, un département formé
il y a plus de 200 ans, un territoire déjà ancien qui
a déjà marqué de son empreinte le paysage gascon.
Le Gers, un département rural, premier département agricole
français dont les 3/4 de la surface sont cultivés, qui
comme toutes les campagnes, est en pleine mutation et doit faire face
aux multiples incertitudes de l'agriculture mondiale. Outre l'agriculture,
la transformation des campagnes est aussi liée au développement
urbain des principaux chef-lieux mais surtout de la périphérie
toulousaine. Pour autant la campagne reste habitée ; comme
le veut la tradition, le Gers a su accueillir de nombreux nouveaux
résidents, sensibles aux charmes du paysage gersois et des
vieilles maisons gasconnes qui s'étaient progressivement vidées.
Au-delà de ces récentes transformations, le paysage
gersois a conservé son identité et les spécificités
de ses différents terroirs, et c'est sans doute ce paysage,
ou plutôt ces paysages, qui sont le patrimoine le plus précieux
des Gersois. Mais comme tout patrimoine, le paysage gersois est fragile
et par certain côté menacé. Sans vouloir absolument
le préserver, et sans aucune revendication nostalgique, il
est urgent de s'en soucier et de s'interroger sur le paysage que nous
désirons construire. Certes, notre rapport à l'espace
et notre perception de paysage a considérablement évolué
en quelques décennies, ne serait-ce que par le biais de la
voiture, de la télévision ou d'autres médias...
Nous avons tendance à nous éloigner de la réalité
de nos paysages quotidiens qui semblent ordinaires à certains.
Et bien souvent nous nous plaignons de la dégradation de ces
paysages, en oubliant que chacun d'entre nous a son rôle à
jouer.
Le paysage n'est pas une fatalité !
Difficile de tricher avec le paysage, il traduit bien plus de choses
que nous le croyons, tel un miroir, il est le véritable reflet
de nos façons de vivre, de nos rapports avec la nature : façon
de produire, d'habiter, de bâtir, etc. Aujourd'hui s'il semble
si difficile à nos sociétés de créer de
beaux espaces, des paysages harmonieux, tout est encore possible et
notamment dans nos contrées gasconnes.
C'est pourquoi, "Paysage du Gers" a été imaginé.
Il s'est donné l'ambition de contribuer modestement à
la reconquête de ces paysages, en essayant d'en traduire le
charme et la magie, sans pour autant en occulter les fragilités
et les déséquilibres.
Il est un instantané, un "moment dans la durée"
du paysage et se veut être une fenêtre grande ouverte
vers l'avenir.